jeudi 14 mai 2015

De nouveaux mots et quelques vieilles lunes...

Ainsi donc le SNUipp nous gratifie ce mois-ci d'un somptueux document de huit pages consacré à la "direction d'école", passé inaperçu au sein de la cacophonie consacrée aux projets de programmes du collège. Si le dossier en lui-même ne comporte pas vraiment de nouveauté, en revanche le ton en semble apaisé, et le vocabulaire utilisé plus réaliste.

En effet j'ai eu la surprise dans l'éditorial d'y trouver les mots "directrice" et "directeur" d'école. Exit donc en partie la fameuse "direction d'école", le syndicat parait s'intéresser désormais aux personnes qui remplissent cette mission. S'agirait-il d'un aggiornamento tardif? Que nenni hélas, car ce sont aussi quelques vieilles lunes syndicales qui veillent sur notre mission.

Épluchons ce document dans l'ordre qu'il nous propose.

Tout d'abord le syndicat d'élève contre la multiplication des "postes à profil", estimant que pour être directeur d'école un simple entretien est nécessaire, et que tous les postes de direction se valent. Si vous lisez ce blog, vous connaissez déjà mon opinion: pour moi tous les postes de direction sont des postes à profil qui, s'ils réclament certaines compétences de base qu'ont tous les directeurs, sont en revanche tous différents pour le reste, aucune école n'ayant les mêmes besoins. Il n'y aurait pas chaque année tant de directeurs éprouvés, bousculés, amers ou dégoûtés, si toutes les directions étaient similaires. Il n'y aurait pas non plus à mon sens autant de conflits idiots avec les municipalités ou les familles: être directeur d'école est aujourd'hui un métier, ce n'est plus une vague perspective de carrière, un poste qu'on prend deux ans avant sa retraite pour augmenter sa pension.

Le SNUipp donne ensuite la parole à quelques collègues qui se plaignent des tâches nombreuses et chronophages. Sur ce point le syndicat tape plutôt juste, mais honnêtement en ce qui me concerne je trouve que la fameuse "simplification des tâches" avance, même s'il reste de nombreux points noirs comme la multiplication des "équipes éducatives" et autres réunions institutionnelles, ou Affelnet. Le syndicat évoque l'aide des EVS, mais cite aussi avec honnêteté une collègue qui explique que « Comme il s’agit d’une personne en difficulté personnelle, sa présence me pèse plutôt qu’elle ne m’aide et je me demande toujours ce que je peux lui faire faire. » Un bon point pour le SNUipp qui semble ne plus vouloir faire de ces emplois précaires sans qualification la panacée de notre métier. Mais se prononce-t-il contre? Nous verrons plus bas que ce n'est pas le cas.

Le syndicat évoque ensuite les évolutions apportées par le "chantier-métier", et là encore à mon idée tape assez juste. Citons en particulier: « Un tutorat est prévu pour accompagner la première année de prise de poste. chaque nouveau directeur sera accompagné par un directeur expérimenté, rémunéré pour cette mission, mais sans temps de décharge supplémentaire. le ministère prévoit aussi un dispositif de formation continue. L’ensemble de ces propositions constitue une avancée dans la reconnaissance de la fonction et un préalable indispensable pour préparer à la diversité des missions. Pour autant on ne peut qu’être inquiet quant aux possibilités concrètes de mise en œuvre à moyens constants. Aujourd’hui même, dans beaucoup de départements, la formation préalable des directeurs et directrices d’école est réduite à sa portion congrue faute de remplaçants disponibles. » Voilà un texte contre lequel je n'ai rien à dire, je ne peux qu'en souligner la justesse et les doutes qui sont aussi les miens.

Cela se gâte à la page suivante, où le syndicat parle du référentiel-métier paru au Bulletin Officiel en décembre dernier. Je posais plus haut la question de ce que le SNUipp pensait aujourd'hui des EVS, et voici la réponse, bien cachée dans un petit coin discret: « Pour le SNUipp, ce nouveau référentiel doit être un appui pour la formation mais ne doit pas venir encore alourdir les responsabilités et les missions. d’autres voies sont à explorer : remettre le conseil des maîtres au centre des décisions, doter les écoles d’une véritable assistance administrative... » Aïe! Nous refiler encore en 2015 le fabuleux "conseil des maîtres décisionnaire", il fallait oser! Je rappelle à tous que ce CM n'a jamais été décisionnaire de quoi que ce soit, donc vouloir l'y "remettre" est un mensonge. C'est ensuite évidemment, chacun ici de ceux qui dirigent une école le sait, la porte ouverte à la déresponsabilisation, à l'absence de décision et au temps perdu, aux conflits idiots entre collègues ou avec la municipalité, à l'irrespect des textes, aux... Bref c'est bien la dernière chose à faire. Et puis revoilà "l'assistance administrative". Si le syndicat utilisait le mot "secrétariat" je serais d'accord et rassuré, mais nous remettre une couche d'EVS c'est du foutage de gueule. Je l'ai toujours dit et écrit: un directeur avec du temps disponible n'a pas besoin d'une aide aléatoire et incompétente dans des domaines qui aujourd'hui réclament expertise et professionnalité.

Ensuite le SNUipp nous annonce qu'il s'oppose au futur GRAF qui ne concernera qu'une petite partie des directeurs d'école. Pour moi le GRAF est une bonne idée qui autorise une réelle distinction de fonction et de métier entre celui d'enseignant et celui de directeur d'école, mais pour autant qu'il ne soit pas "universel" m'indispose aussi. Admettons. Le syndicat nous dit aussi que les directeurs des petites écoles sont lésés en terme de décharge d'APC, ce qui est vrai car cette décharge suit de façon ridicule le régime des "décharges de direction". Ce sont donc effectivement les directeurs en charge de classe toute la journée et tous les jours (ce qui est mon cas) qui doivent en plus un certain nombre d'heures d'APC. Vous connaissez mon opinion sur ces absurdes Activités Pédagogiques Complémentaires, mais si APC il doit y avoir tous les directeurs d'école devraient évidemment en être dispensés pour avoir le temps de remplir leur mission. Le plus simple serait évidemment de balancer les APC dans la poubelle de l'histoire de l’Éducation Nationale, surtout aujourd'hui que les communes ont en charge de nouvelles activités périscolaires.

Le SNUipp évoque ensuite la simplification administrative, et estime qu'elle traîne. C'est vrai, certaines académies font soit la sourde oreille soit traînent les pieds. Il va falloir que le ministère mette un peu les pieds dans la fourmilière par le biais des Recteurs. Ce sera d'ailleurs la même chose, je le crains, pour les cellules juridiques. Nous verrons.

Bref, que résumer de ce document? Un ton légèrement différent, moins vindicatif... Une reconnaissance tardive des "directrices" et "directeurs" d'école (vieux motard que j'aimais, comme nous disions à mon adolescence)... Des constats assez justes, et parfois surprenants comme les pincettes prises pour les EVS... Mais toujours hélas de vieilles revendications idiotes, et un fond qui laisse dubitatif. Car enfin, encore une fois le SNUipp balance entre réformisme -sans s'y lancer vraiment, il ne propose rien- et immobilisme voire passéisme comme le prouvent sa lubie du CM décisionnaire et son engagement régulier avec les syndicats de conflit que sont SUD, la CGT ou FO. Clairement aujourd'hui le SNUipp ne veut plus bouger du tout, s'il bougeait encore. C'est un syndicat hésitant, certainement scindé en deux courants contradictoires, ce qui rappellera aux vieux dans mon genre le début des années 90. C'est un syndicat moribond qui ne survit que grâce à son histoire. Ce n'est pas avec le SNUipp que la cause des directeurs d'école avancera sur la voie de la reconnaissance pleine et entière de sa mission particulière.

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