Drôle de période que celle que nous vivons politiquement dans notre pays... avec un Président de la République aux abonnés absents -incapable même de faire un discours sans dire une ânerie-, un Premier Ministre qui semble vouloir sauver les meubles et prendre les rênes d'un État à vau l'eau, un bipartisme mourant qui s'enterre lui-même sous les affaires de corruption et les luttes de pouvoir... La France va mal, et jamais comme aujourd'hui je n'ai senti à quel point la 5ème République, créée par et pour de Gaulle, se trémoussait dans les soubresauts d'une agonie difficile. Il faut dire que tout a été fait pour: l'élection du Président de la République au suffrage universel fut un premier coup mortel, ramener son mandat à cinq ans en fut un second. Mais c'est la Nation qui paye, avec de prétendues élites incapables de prendre la mesure du mauvais état des institutions et lois de notre pays, et qui se vautrent de façon éhontée dans la luxure, l'immoralité et la concussion. Alors que les français sans travail, sans argent, sans avenir, ne peuvent que constater avec amertume et morosité la déliquescence de la France. Comme dans l'Irlande du XIXème siècle, notre jeunesse a-t-elle une alternative à l'expatriation?
Le gouvernement lui n'a pas le choix, il est obligé de faire aujourd'hui celui de la responsabilité. Suivant en cela un Premier Ministre qui veut semble-t-il sincèrement remettre le pays sur les rails, les ministres doivent rénover ce qu'ils peuvent au sein de leur propre ministère et mettre fin à leurs manies moralisatrices qui révulsent aujourd'hui les français, comme les députés devraient cesser de légiférer à tout prix sur tout et n'importe quoi -de préférence n'importe quoi- alors que les différents codes et normes sont déjà incompréhensibles et inapplicables.
Le gouvernement pourra-t-il le faire dans le cadre de la 5ème République? Je ne le crois pas. Mais c'est au Président qu'appartient la possibilité de suggérer un changement de Constitution et une totale remise à plat des institutions. A moins que la France se charge de le lui faire comprendre, ce que je ne souhaite aucunement -nous ne sommes ni en 1789 ni en 1830- Car je ne vois que deux possibilités: attendre que l'économie et l'emploi "repartent" pour travailler sereinement sur un changement de régime -est-ce seulement probable?-; ou malheureusement y être contraint par un ou plusieurs chocs violents que je ne veux pas pour mon pays.
C'est ainsi que je préfère voir dans chaque ministère un responsable conscient nettoyer ce qui peut l'être, remettre à plat ce qui doit l'être, se concentrer sur l'action et l'accomplissement des missions. Plus d'atermoiement, plus de discours, plus de décision absurde prise à la va-vite -ce qui se paye d'ailleurs aujourd'hui très cher, et immédiatement-. S'il faut taper du poing sur la table, il n'est plus question de s'en abstraire ni de louvoyer pour ménager telle ou telle susceptibilité politique ou syndicale. Le temps n'est plus de Courteline:
"Rien ou à peu près ne survivait du beau fonctionnement d'une maison sagement ordonnée naguère, tombée depuis entre des mains furieuses, et devenue comparable à ces horloges détraquées dont s'immobilisent les rouages autour d'un cylindre affolé qui tourne, tourne, tourne sans cesse, atteint de rotation frénétique."
L'heure n'est plus des Soupe, Letondu ou La Hourmerie, l'heure n'est plus des Légions d'honneur ou des Palmes Académiques, l'heure est à une rénovation -pour ne pas dire une révolution- indispensable et attendue.
Je veux prendre l'exemple du ministère de l’Éducation nationale, que je connais bien pour y travailler depuis trente-cinq ans. On sait la complexité et l'incompétence fatales de la pyramide administrative de ce ministère, dont seuls les agents de terrain persistent tant bien que mal à vouloir exercer leur apostolat, tandis que le reste de la machine, inutile et sclérosé, ne peut plus que disperser grains de sable dans ses rouages ou ralentir la cadence. C'est ce terrain généralement reconnu et apprécié qui doit voir affirmée son autonomie, dans ses choix, ses fonctionnements, ses projets. C'est pour le primaire le directeur d'école, à la mission clairement définie et à l'existence juridique comme administrative assurées, qui doit pouvoir déterminer et décider de ce qui sera le mieux pour ses élèves et leur réussite scolaire. Foin des attentes, des obstacles, de l'indécision. Une responsabilité, cela ne peut se partager.
En prenons-nous le chemin? Le "référentiel-métier" qui devrait prochainement paraître est un premier pas timide mais nécessaire, à condition d'être correctement écrit. Mais qu'en est-il du reste? Les décisions tardent, sont hésitantes. Il faut dire que les puissants organes menacés que sont les différentes directions du ministère traînent les pieds ou freinent des quatre fers. Que de sinécures en danger d'être balayées!
Et puis nos politiques cumulent bêtises et maladresses. M. Peillon d'abord, sincère réformateur, change les rythmes scolaires en se mêlant d'imposer aux territoires l'organisation -et les frais- de temps annexes qui ne dépendent aucunement de son ministère. M. Hamon ensuite qui à peine installé donne aux communes pour aménager ces mêmes temps la possibilité la plus idiote qui soit, celle de finalement organiser les journées en totale contradiction avec l'esprit du décret. M. Hamon encore qui unilatéralement, pour faire plaisir à un syndicat, sabre une journée d'école et réussit en une seul coup à se mettre à dos les agents de terrain et les familles de nos écoliers, et passe par la même occasion pour un séide de l'extrême-gauche, puis pour une andouille au vu de l'excuse ridicule qu'il se croit obligé de donner... Ce ne sont là que mauvais signaux. Gérer l’État, ce n'est plus faire de la politique de parti ou passer les plats, c'est faire abstraction de toute pression pour le bien-être de la Nation. Quand on gère plus d'un million d'agents, le premier employeur d'Europe, douze millions d'écoliers -et le temps de combien de millions de familles?-, on ne s'amuse pas à faire plaisir aux copains ni à ménager chèvre et choux.
Laissons à M. Hamon le temps de travailler, je crois qu'il a certainement pris conscience des enjeux qui sont désormais les siens. Rendons-lui grâce également de vouloir respecter le calendrier des travaux engagés par son prédécesseur. Mais le temps presse! Et rien n'interdirait d’accélérer le mouvement, professionnels et public sont dans l'attente d'une vraie rénovation d'un système pesant et inefficace dont les enfants payent le prix. Ce serait là le vrai choix de la responsabilité.