samedi 27 avril 2013

La troisième voie...


Être directeur d'école aujourd'hui, c'est jongler continuellement entre son travail de classe et sa mission de direction. Oui, je l'ai déjà expliqué, 96% des directeurs d'école ont charge de classe, si l'on fait abstraction des directeurs d'école parisiens qui sont dans une situation particulière puisque déchargés de leurs élèves par la Mairie de Paris. Pire, 38% des directeurs d'école ont leur classe... à temps plein! Le travail de direction pourrait ne se faire qu'après les six heures quotidiennes avec les élèves, mais c'est quand le directeur est présent que les adjoints, les familles, l'administration, la Mairie ou.... bref tout le monde... a besoin de lui. Le téléphone n'attend pas 17h pour sonner. Sans parler de l'énergie nécessaire pour ne pas laisser ses élèves en déshérence ni abandonner son école à vau-l'eau.

Autant dire qu'être directeur d'école en 2013 est une mission impossible. Croire le contraire, c'est au mieux s'illusionner, au pire se foutre du monde. Et ce n'est pas un débutant qui vous l'écrit ici, j'ai trente-cinq années de carrière dont treize de direction d'école.


Depuis des années j'entends et je lis dans les médias ou divers discours que l'école, qui est devenue un enjeu politique, ne remplit plus sa mission d'enseignement. On ne peut nier que de nombreux élèves français ont de grandes difficultés de lecture. Une des solutions proposées pour remédier à ce problème consisterait à rendre aux écoles leur autonomie -perdue depuis des décennies au profit des lubies ministérielles- afin qu'elles puissent adapter leur enseignement et leurs projets à leurs propres besoins, et elles-mêmes apporter aux enfants en difficulté scolaire l'aide qui leur serait nécessaire, tant il est évident que d'une commune et d'une école à l'autre les publics concernés n'ont pas les mêmes besoins. C'est là une réponse évidente. Mais cette réponse, dont personnellement je suis convaincu de l'efficacité, réclame une rénovation profonde de la "gouvernance" ou du "pilotage" des écoles. Il est nécessaire de reconnaître l'importance de la mission des directeurs d'école, et leur influence comme celle des enseignants sur les résultats scolaires des élèves. Cette influence est aujourd'hui admise par tous les chercheurs comme par tous les réels connaisseurs de l'enseignement. L'effet "maître" existe, l'effet "leader" existe, le nier serait une absurdité. Il est donc temps de donner aux directeurs d'école les moyens de leur travail, en temps, en autonomie, en reconnaissance juridique, administrative et sociale, en salaire.

Si la plupart des syndicats d'enseignants et de nombreux hommes politiques ou représentants de la Nation sont aujourd'hui conscients de ce problème, personne pour autant n'a l'air de se donner les moyens de le résoudre. Après moi le déluge? Le présent gouvernement a mis en place à la Direction Générale de l'Enseignement Scolaire (DGESCO) un groupe de travail sur le sujet, groupe dont la discrétion n'a pas de mesure: personne ne sait ce qui s'y dit, ce qui s'y écrit, ce qui s'y pense, ce qui s'y trame. On peut néanmoins espérer en avoir bientôt quelques échos. Le plus tôt sera le mieux.

Il va aussi falloir convaincre de nombreux directeurs d'école qui, s'ils subissent avec difficulté la situation, appréhendent néanmoins beaucoup ce qui pourrait leur arriver: à quelle sauce serons-nous mangés? Trois voies sont possibles.

La première voie est celle du statu quo, qui est soutenue par les syndicats d'extrême-gauche. Ceux-ci par essence refusent toute évolution de la mission de direction d'école, n'y voyant que la très hypothétique installation de "petits chefs" (pourquoi petits?) et l'instauration d'un certain "caporalisme"... Il faudra leur expliquer que le temps de la Commune de Paris est bien passé, et qu'un groupe d'ouvriers sans contremaître n'arrivera jamais à grand-chose. Il s'agirait de n'offrir aux directeurs d'école qu'un peu plus de temps, un peu plus d'argent, pour ne surtout rien changer. Ce qui ne changerait rien non plus évidemment aux maux présents de l'école de la République. Mais se satisfaire de la médiocrité pourvu qu'elle soit égalitaire est dans les gênes de l'extrême-gauche.

La seconde voie serait celle d'une transformation des directeurs d'école en chefs d'établissement, avec la contrainte de la création d'un nouveau corps de fonctionnaires -comme s'il n'y en avait déjà pas assez- comme du regroupement forcené d'écoles car il serait impossible d'avoir dans chacune de nos petits écoles d'aujourd'hui autant de chefs d'établissements accompagnés d'un secrétariat, d'un intendant, etc. Cette voie est illusoire. Et elle n'est pas non plus souhaitable, car l'intégration dans ce nouveau corps ne pourrait se faire que par concours, concours qui serait forcément externe, ce qui amènerait rapidement à parsemer le territoire français de chefs d'établissements primaires sans connaissance du terrain, ou venant du secondaire ou d'autres ministères. La faillite d'une telle mesure par rapport aux objectifs que nous nous fixons d'améliorer le fonctionnement du primaire serait rapidement patent. C'est ce qui est en train de se passer dans les écoles du Canton de Genève, chez nos amis suisses, où les directeurs d'école perdent rapidement pied et font un peu n'importe quoi tant leur éloignement du terrain est aujourd'hui prononcé.

La troisième voie, celle que je préconise, est celle d'un statut original de directeur d'école, statut clair et précis, aux missions parfaitement définies et à l'autonomie affirmée, statut reconnu administrativement, socialement, juridiquement et pécuniairement. Ce statut devrait être accessible, comme pour les actuels directeurs d'école, par liste d'aptitude, et exigerait une forte implication et un fort investissement dans le fonctionnement quotidien de l'école. Quelles en seraient les définitions, les contraintes et obligations? C'est justement ce qui reste à définir, et ce qui peut être passionnant à discuter. Je ne crois pas qu'il faille prendre modèle sur la gouvernance des établissements français du secondaire, dont les principaux et proviseurs dénoncent eux-mêmes la déliquescence et les limites. Je ne suis pas persuadé non plus qu'il soit utile de regarder ce qui se fait dans les autres pays de l'OCDE, tant je crois opportun que nous avons la possibilité d'inventer une forme originale de pilotage de l'école primaire. Que diable! La France a suffisamment au cours des siècles montré ses capacités d'invention pour le bien de la Nation, pourquoi en serions-nous devenus incapables? Le GDiD a des idées, moi aussi, d'autres certainement aussi et encore. Profitons-en!

Il est donc temps d'explorer cette troisième voie. Les réticences seront nombreuses, certaines certainement exacerbées par des syndicats ou des hommes politiques hostiles à tout changement. Mais pouvons-nous faire abstraction du problème des directeurs d'école, de celui du pilotage de l'école primaire, des faillites du système actuel? Pouvons-nous ignorer les nombreux enfants qui sortent de notre école sans bagage dans un société hostile et qui n'épargne pas les faibles? Non, bien entendu, faire l'impasse sur toutes ces questions serait aujourd'hui criminel.

vendredi 26 avril 2013

Trois mesures urgentes, three urgent measures, tres medidas urgentes...


Trois mesures urgentes à prendre pour les directeurs d'école:

Mesure 1: supprimer totalement les activités pédagogiques complémentaires pour tous les directeurs d'école. Cela ne coûte rien, et donne du temps à la direction d'école pour sa mission.

Mesure 2: généraliser le point supplémentaire accordé aux directeurs d'école pour l'accès à la hors-classe. Cela ne coûte rien, et valorise les directeurs d'école.

Mesure 3: affirmer l'autonomie des écoles dans leurs projets et leurs pratiques pédagogiques. Cela ne coûte rien, et donne de l'envergure aux directeurs d'école.

Three urgent measures to take for the headmasters:

Measure 1: eliminate totally the additional educational activities for all the headmasters. It costs nothing, and gives of time to the management of schools.

Measure 2: generalize the additional point granted to the headmasters for the access in her except class. It costs nothing, and values the headmasters.

Measure 3: assert the autonomy of schools in their projects and their educational practices. It costs nothing, and gives of the scale to the headmasters.

Tres medidas urgentes que tomar por los directores de escuela:

Medida 1: totalmente suprimir las actividades pedagógicas complementarias para todos los directores de escuela. Esto no cuesta nada, y da el tiempo a la dirección de escuela para su misión.

Medida 2: generalizar el punto suplementario concedido a los directores de escuela para el acceso a ella fuera de clase. Esto no cuesta nada, y valoriza a los directores de escuela.

Medida 3: afirmar la autonomía de las escuelas en sus proyectos y sus prácticas pedagógicas. Esto no cuesta nada, y da la envergadura a los directores de escuela.

Tre misure urgenti a prendere per i direttori di scuola:

Misura1: sopprimere totalmente le attività pedagogiche complementari per tutti i direttori di scuola. Ciò non costa niente, e da' del tempo alla direzione di scuola per la sua missione.

Misura2: generalizzare il punto supplementare accordato ai direttori di scuola per l'accesso alla fuori-classe. Ciò non costa niente, e valorizza i direttori di scuola.

Misura3: affermare l'autonomia delle scuole nei loro progetti e le loro pratiche pedagogiche. Ciò non costa niente, e da' dell'apertura alata ai direttori di scuola.

Drei dringende für die Schulleiter zu haltende Maßnahmen:

Maß 1: völlig die ergänzenden pädagogischen Tätigkeiten für alle Schulleiter beseitigen. Das kostet nichts, und gibt Zeit der Schulleitung für ihre Mission.

Maß 2: den zusätzlichen den Schulleitern für den Zugang in gewährten Punkt sie außer Klasse verallgemeinern. Das kostet nichts, und wertet die Schulleiter auf.

Maß 3: die Autonomie der Schulen in ihren Projekten und ihren pädagogischen Praxen behaupten. Das kostet nichts, und gibt der Größe den Schulleitern.

PS: ne connaissant rien à l'allemand, je ne garantis rien de cette dernière traduction...

Sous la pergula...


Encore une fantaisie pour les vacances!

A Rome, sous un balcon proche du forum...

- Aeduius Claudius, tu es là?
- Salut à toi, Arvernus Cornelius!
- Ave, Aeduius. Dis, ta pergula est plus claire que la mienne. Je n'y vois rien, moi, pour enseigner.
- Oui, Faustus Claudius me traite bien. Je n'ai pas reçu le fouet depuis longtemps. Et toi?
- Tu sais que je suis moi-même affranchi depuis Sextilis. Et toi alors, quel effet cela te fait-il d'avoir été enfin libéré de ta servitude?
- J'ai l'impression d'être enfin quelqu'un. C'est fou ce qu'un statut clair peut faire de bien au moral!
- Je suis bien d'accord avec toi. Dis, tu as une discipula qui regarde les mouches, là.
- Par Jupiter! Tu veux tâter de la férule, Flavia Calpuria?
- Non, magister. Unum et unum, duo, duo et duo quattuor...
- Tu leur apprends à compter?
- Oui, mais cette engeance n'est guère attentive. La scutica ne chôme pas...
- Tu devrais essayer la pédagogie.
- C'est quoi, ça?
- Tu essayes de les intéresser, de leur parler de ce qui les passionne, de les convaincre de l'intérêt de ce que tu leur apprends...
- Bah, j'en tiens aux bonnes vieilles méthodes! Tu ne sais pas ta leçon? Pan, un coup de férule sur les doigts. Tu n'es pas attentif? Vlan, la scutica ou le flagellum...
- Les parents ne te disent rien?
- Penses-tu, ils font la même chose. Au fait, tu venais me voir pour une raison particulière, Arvernus?
- Oui, j'allais oublier. Il y a une réunion du Gedeidus demain matin sous le portique d'Auguste.
- C'est quoi, le Gede... euh...
- Le Gedeidus! C'est une association qui lutte pour réclamer l'affranchissement des ludi magistri. Tu m'a dit toi-même qu'avoir un statut aujourd'hui t'a délivré d'un poids.
- Dans tous les sens du terme! De toute façon, esclave, c'est une fonction sans avenir. Affranchi, quel progrès! Tu n'es fouetté que pour des raisons précises approuvées par les magistrats de Rome, tu es mieux nourri, mieux traité en général... Ah oui, je ne regrette rien.
- Viendras-tu alors à la réunion du Gedeidus? Nous devons nous serrer les coudes pour que ceux qui nous suivront dans notre si belle mission d'enseignement ne connaissent pas ce que nous avons connu.
- D'accord. Demain matin, dis-tu?
- Oui. Aulus est venu de Massilia pour nous prêcher la bonne parole et nous parler des pratiques d'enseignement en Narbonnaise.
- Qui est Aulus?
- Aulus est le fondateur du Gedeidus avec un certain Petrus, que je n'ai jamais vu. Alors à demain?
- A demain. Ave, Arvernus Cornelius, et vale! Ah je t'ai vue, Flavia Calpuria, et cette fois tu n'y couperas pas!
- Vale Aeduius Claudius.
...

mercredi 24 avril 2013

Science-fiction...


Un peu de détente pour les vacances...

An 2430 a.c., Constellation du Centaure, sur le vaisseau Schola  Massiliae:

- Commandant, Commandant!
- Appelez-moi Directeur, bon sang!
- Ah oui, Directeur, j'ai oublié...
- Alors?
- Les navettes des Alumni commencent à graviter autour du vaisseau.
- Bon sang! Et Douglas qui n'est pas encore arrivé, toujours à la bourre. Pas de nouvelle du Magister Douglasi?
- Non. En revanche, la navette Alumnus Jordanus est là. Il faut que vous coinciez les parents, ils ne m'ont toujours pas donné leur attestation d'assurance solaire.
- Et m...! Comment voulez-vous que je fasse, tant que Douglas n'est pas arrivé, je dois faire mon accueil. A moins de rester dans la coursive... C'est pénible, cette décharge qui n'est jamais à l'heure. D'ailleurs, quelle heure est-il?
- 234,22 en temps galactique.
- Je vais traîner un peu, j'ouvrirai à 28 au lieu de 26.
- Les parents vont râler.
- Tant pis. Je ne peux pas conduire ce vaisseau et faire classe en même temps. Je mets déjà trop souvent le Schola Massiliae en pilote automatique, alors si je dois le faire aussi dans ma période de décharge... Zut!
- Au fait, j'ai regardé la retransmission intergalactique ce matin.
- Et?
- C'est ce matin que l'Assemblée des Sages de la Galaxie discutait de la refondation de l'Empire solaire.
- Peuh, je ne regarde même plus, ou de temps à autre. Pas un mot sur les Directeurs de vaisseaux, je suppose?
- Pas un. A part comme d'habitude le représentant d'Antiqua Alsacii, Zorglub Reiss, qui a placé son couplet sur le sujet en déplorant l'absence de décision du Gouvernement Intergalactique.
- C'est de famille. On peut dire qu'ils ont de la suite dans les idées, ceux-là, ça fait près de 450 ans qu'ils réclament un statut pour les Directeurs de vaisseaux! Alors de quoi ça a causé?
- De la réforme des rythmes solaires...
- Ouais. Ici, de toute façon, on ne passera qu'en 2432. Il faut dire que notre période de révolution est de 28 heures standard, alors je ne vous dit pas pour le remplacements des absences ou les décharges, ça va être un joli souk. Je ne suis pas prêt de l'avoir à l'heure, ma décharge.
- Le Grand Pontife veut aussi que nous fassions de la morale galactique.
- Ah oui? Et quand? A la place de quoi? Je dois déjà apprendre aux enfants à piloter une navette et faire de l'histoire des arts mineurs de Tau Ceti, quand est-ce que je ferai de la morale, moi? Ces enfants parlent de plus en plus mal le galactique standard, ils sont incapables de bâtir une dérivée, alors?
- Le Grand Pontife ne l'a pas précisé.
- Bien entendu. A nous de nous débrouiller, comme d'habitude. Tiens, ça me fait penser que Linda ne m'a toujours pas donné à signer son autorisation de sortie solaire sur Proxima Centauri.
- Vous savez comme elle est, toujours un peu tête en l'air.
- Oui, n'empêche qu'elle sait bien se défendre quand il s'agit de choisir sa section. Je ne suis pas prêt d'oublier le Conseil Magistrorum, quand il a fallu répartir les élèves et les sections. Elle ne voulait absolument pas le CM6, parce qu'elle disait qu'il y avait trop d'enfants!
- Il faut dire que 247...
- Oui, mais ça aurait pourtant facilité la vie de tout le monde. Du coup, j'ai 23 cours doubles au lieu de 16. Vous parlez d'une répartition. Mais voilà, le Directeur de vaisseau ne peut rien imposer depuis la réforme de 2257. Quelle plaie! Tout ça à cause de treize ou quatorze syndicats galactiques qui traînent les pieds... Mes prédécesseurs d'il y a quatre siècles avaient encore au moins cette facilité là!
- Cela ne devait pas être simple à gérer non plus.
- Certainement, mais on ne peut pas dire que ça se soit arrangé. Pas de temps, souvent je dois piloter et en même temps m'occuper de mes élèves, pas d'argent... Vous voulez voir ma feuille de paye?
- Pas la peine, non. Pourquoi on appelle ça une feuille? Plus personne n'utilise de papier depuis plus de 400 ans...
- C'est historique je suppose. Quand je pense à cette indemnité de Direction, je ne sais pas si je dois rire ou pleurer. 250 brouzoufs d'Andromède par période standard alors que j'ai la responsabilité d'un vaisseau entier!
- Il parait que les Directeurs des nefs stellaires de la constellation de l'Aigle sont nettement mieux rémunérés.
- Pas difficile! Oui, ils gagnent 900 brouzoufs, mais surtout ils n'ont pas charge de classe, et se concentrent sur le pilotage. Et puis, ils sont reconnus par les vaisseaux-mères, eux. Ils ne dépendent que d'eux-mêmes pour leurs projets de vaisseau, et ils n'ont pas d'ITF sur le dos pour leur dire d'aller au Midi ou au Septentrion.
- ITF? Ah oui, les Inspecteurs des Travaux Finis... On ne l'a pas vu depuis longtemps, le nôtre.
- Ce n'est pourtant pas faute de nous envoyer des instructions idiotes par la ligne éthérée. Comme si je n'avais que ça à faire. Et puis, on ne voit pas souvent non plus les Conseillers Pédagogiques de Constellation. Bah, finalement ce n'est pas plus mal... On a un peu la paix.
- Le Magister Douglasi est en approche.
- Tiens, il est moins à la bourre que d'habitude. Quelle heure est-il?
- 234,28.
- Bon, j'ouvre la soute. A tout à l'heure, autour du café.
- A tout à l'heure, Directeur. Je vais faire un cours de musique des sphères pour commencer la journée. Bon courage.
- J'ai le compte-rendu du Conseil de Vaisseau à boucler. C'est du tout cuit. Ciao.
...

lundi 22 avril 2013

Des livres, ou des fusils?


Je vais me faire l'écho d'une information qui n'a que peu à voir avec l'objectif premier de ce blog. Néanmoins l'enseignant de primaire que je suis ne peut rester inerte face à l'image que je vous livre plus bas dans ce billet, et dont j'ai traduit le texte pour vous.

Le Sénat américain a rejeté mercredi dernier une loi sur le durcissement des contrôles sur les armes à feu. Certes les États-Unis sont de ce point de vue un pays particulier qui garantit dans sa Constitution le droit à chacun de se protéger lui-même, mais il n'en reste pas moins que sur certains points la logique américaine m'échappe.

L'association Moms Demand Action milite activement pour le contrôle de l'armement privé aux États-Unis. Le magazine L'Express s'est fait le relais de leur dernière campagne revendicative dont l'image m'a donc fortement frappé. Je suis sûr que vous n'y serez pas non plus indifférent (cliquez sur l'image pour l'agrandir).


samedi 20 avril 2013

Une revendication catégorielle peut-elle être apolitique?


J'ai entendu gémir certains suite à la parution de mon avant-dernier billet intitulé "Le mille-feuilles": "Ouiiii, tu tapes sur la gauche, on est quand même bien mieux considérés maintenant que sous Sarko..." et patati et patata.

Nonobstant le fait que je n'ai pas grand chose à faire de ce genre de critique, j'ai réfléchi à la teneur de ce fameux billet en me demandant si j'avais été injuste. Je me suis également posé la question de savoir si la revendication que je porte et qui est la raison d'être de ce blog, soit l'obtention d'un nécessaire et urgent statut pour le direction d'école, pouvait être apolitique.

A ces deux questions, je réponds avec force et détermination par la négative.

Comment pourrais-je faire abstraction des conditions politiques de mon pays, ou de son gouvernement quel qu'il soit, dans la mesure où c'est bien cette volonté politique qui fait aujourd'hui cruellement défaut pour que les directeurs d'école obtiennent justice?

Ce blog est jeune, il est né alors que le présent gouvernement était déjà en place. L'objectif lors de sa création était d'apporter une voix supplémentaire au concert de celles qui partout réclament un statut pour les directeurs d'école. Bref, de faire du lobbying.

Depuis plus de dix ans que le GDiD existe, l'idée que la gouvernance des écoles primaires passe forcément par les directeurs d'école, et qu'elle ne peut être que bénéfique si la direction d'école est renforcée dans sa mission et son autonomie, s'est peu à peu imposée. Aujourd'hui elle fait la quasi unanimité. Ce qui n'aura pas été sans mal, et on peut saluer au passage l'obstination du GDiD ou d'un homme comme Frédéric Reiss, qui n'a jamais lâché le morceau.

Sous les gouvernements précédents, la volonté politique d'accorder un statut aux directeurs d'école était présente. C'est le courage politique qui a manqué à M. Chatel, lequel appréhendait une réaction syndicale qui eût à coup sûr été violente. L'affaire des "maîtres-directeurs" de M. Monory il y a vingt-cinq ans a laissé des traces... Si ce blog avait existé à l'époque, il est certain que j'aurais sans complexe volé dans les plumes du gouvernement en question. Aurais-je alors été perçu comme un affreux gauchiste?

Aujourd'hui, on prétexte l'état déplorable du budget de la Nation pour reculer une mesure pourtant nécessaire. J'ai dans plusieurs billets expliqué que ce n'était qu'un faux prétexte, même si le budget est effectivement catastrophique (et je n'y suis pour rien). Mais j'ai surtout la forte impression que la volonté politique et la compréhension de la question de la direction d'école sont en revanche totalement absents. Si je l'écris, suis-je un affreux fasciste?

Il n'est pas de raison de croire que la revendication qui est la mienne, et que portent aujourd'hui la majorité de ceux qui aiment l'école et ne veulent pas la voir crever, ne puisse être affirmée quel que soit le gouvernement en place, de droite ou de gauche, bleu ou vert, bas ou haut. Une revendication légitime telle que celle du statut nécessaire de la direction d'école ne peut être apolitique, bien qu'apoliticienne, car s'il est un organe éminemment au centre de la vie publique, donc politique au sens noble du terme, c'est bien l'école publique et laïque de la République.

jeudi 18 avril 2013

Deux poids, deux mesures...


Selon son département d'exercice, le directeur d'école sera plus ou moins bien traité par les services de son académie, et en particulier par son Directeur Académique des Services de l’Éducation Nationale, ou DASEN. Deux poids, deux mesures... ou plutôt autant de mesures que de DASEN!

Une partie des Inspecteurs de l’Éducation Nationale, ou IEN, vient de l'enseignement primaire. On peut donc espérer de ceux-ci une connaissance particulière des conditions de travail des directeurs d'école, connaissance souvent vérifiée, mais hélas aussi parfois infirmée lorsque l'IEN est un ancien professeur du secondaire. Notons que ces gens-là sont destinés à évaluer un travail dont ils ne connaissent rien ou pas grand chose, sinon au travers d'études diverses et fumeuses souvent internes à l’Éducation nationale, ce qui amène des situations ou des réflexions qui pourraient être cocasses si les rapports des IEN avec les enseignants des écoles n'étaient pas si faussés, les IEN traitant parfois leurs administrés avec arrogance et dédain.

En ce qui concerne les DASEN, c'est pire! Hauts fonctionnaires nommés par le Ministre, la plupart des DASEN n'ont jamais mis les pieds dans une école, sinon à l'occasion d'une inauguration quelconque ou d'une rentrée scolaire. Selon leur origine et leur cursus, nombreux sont les Directeurs Académiques qui imaginent la direction d'école comme une sinécure bien payée, accompagnée d'un secrétariat, et suffisamment éloignée des élèves pour qu'il soit envisageable de lui demander n'importe quoi.

Ne rigolez pas! Le nombre d'anecdotes sur ce sujet est étonnant, certains DASEN proférant des énormités avec une candeur désarmante.

Mais je dois être honnête: quelques Directeurs Académiques savent être des gens à l'écoute des problèmes, sincèrement intéressés, et prêts à de grands efforts pour le bien-être de leurs troupes. Ils sont hélas peu nombreux.

C'est évidemment dans des moments comme celui que nous vivons, fin d'un règne de terreur et début d'une "Refondation", que peuvent être observés les comportements les plus évocateurs. Certains DASEN zélés serviteurs du précédent gouvernement aujourd'hui se taisent avec constance, d'autres font feu de tout bois pour accompagner les réformes. C'est ainsi qu'on peut voir de façon claire qui veut améliorer le fonctionnement du système, qui préfère rester sur ses a priori, qui connait les écoles, qui n'y comprend rien. C'est ainsi que le DASEN de Haute-Savoie, loué soit-il, a décidé de dispenser les directeurs d'école d'encadrer l'an prochain les heures d'APC (Activités Pédagogiques Complémentaires, après les heures de classe). C'est ainsi que le DASEN de la Somme, lui, demande aux directeurs de transmettre aux enseignants concernés les convocations aux sessions de formation, au motif que "Cet envoi, automatisé dans l’application GAIA, fonctionne depuis plusieurs années dans le second degré."

Il serait peut-être utile d'apprendre à ce DASEN, car manifestement il l'ignore, que les directeurs d'école primaire n'ont eux, contrairement aux principaux et proviseurs, ni temps ni secrétariat. Il serait peut-être utile de l'informer que 96% des directeurs d'école ont charge de classe, et 38% à temps plein. Il n'est donc pas forcément utile de leur ajouter une tâche supplémentaire qui normalement est dévolue à un secrétariat qui ne fait pourtant pas défaut dans les Directions Académiques. Déjà Affelnet a été dévolu aux écoles primaires, au grand soulagement des Principaux des collèges qui y voient un allègement des charges de leurs secrétaires, sans imaginer une seconde que cette charge soit un poids énorme pour des directeurs d'école qui n'ont déjà pas toujours le temps d'assurer la charge de leur mission. Pourquoi ne pas continuer à charger la barque?

Il est plus que temps que M. Peillon se décide à ouvrir ce satané dossier de la direction d'école. Il l'avait promis. Mais aujourd'hui il tergiverse, repousse à plus tard, fait la sourde oreille aux réclamations qui s'élèvent de toutes parts: syndicats, députés, sénateurs, maires, sans compter les incessants rappels du GDiD qui s'immisce dans tous les comités, commissions, congrès (celui de la PEEP, bientôt)...

M. le Ministre, les directeurs d'école n'en peuvent plus, ils sont exsangues. Donnez-leur ce qu'ils attendent. Donnez-nous un statut clair et différencié, reconnu juridiquement et administrativement. Donnez-nous le temps et les moyens de notre mission. Il y va de l'avenir de l'école primaire publique.

mercredi 17 avril 2013

Le mille-feuilles...


La "gauche", ou qui se prétend telle, est une adepte forcenée du mille-feuilles. J'entends par là qu'incapable d'envisager de retrancher quoi que ce soit, elle n'envisage une quelconque politique qu'en terme d'accumulation. Surtout je n'enlève rien, mais j'y ajoute une couche supplémentaire.

Cette réflexion générale sur les divers gouvernements de gauche qui depuis trente ans ont pu gouverner ce pays, comme sur notre gouvernement actuel, se vérifie dans tous les domaines de la gestion publique. L'exemple le plus frappant est bien entendu celui de nos impôts, dont l'empilement des diverses couches a pris une telle hauteur que la pile est clairement en train de s'effondrer. Je ne citerai que pour mémoire également la création ultime en ce domaine, celle par Michel Rocard en 1990 de la CSG, extraordinaire impôt sur l'impôt dont l'idée ne pouvait germer que dans l'esprit brillantissime d'un adepte forcené du mille-feuilles évoqué plus haut.

Mais se contenter d'appliquer ce principe aux obsessions de Bercy serait faire un peu court. Quel que soit le domaine politique ou administratif auquel vous pourrez penser, qu'il s'agisse des portefeuilles ministériels ou des pyramides de fonctionnaires, vous constaterez que les strates s'accumulent au point systématiquement de menacer l'équilibre déjà précaire de l'ensemble. Bien sûr l'efficacité d'un tel édifice est inversement proportionnel à sa hauteur, et je reste quotidiennement stupéfait de la façon dont nos gouvernants savent se voiler les yeux pour mieux ignorer l'effondrement de notre système étatique.

Quelle est la cause d'un tel aveuglement? Adeptes de la politique des Bisounours, la "gauche" est intimement persuadée que le Bien ne peut venir que de l’État, le Mal de l'initiative individuelle. En ce sens, nous autres français vivons avec allégresse dans une république communiste qui s'en cache bien. Mais son origine ne vient pas tant d'une idéologie pernicieuse que de l'incapacité globale des gens de gauche d'envisager seulement une seconde le retrait d'une Loi idiote ou inapplicable, d'une mesure inique, d'une norme ridicule, et pire que tout d'un fonctionnaire inutile... La "gauche" crée des postes de fonctionnaires au nom du Tout-État, mais n'en supprimera surtout aucun.

Et les strates s'accumulent.

J'ai déjà plusieurs fois et longuement évoqué un des effets pervers de ce système, celui qui veut qu'un fonctionnaire inutile ou incompétent ne saura que pondre avec abondance de nouveaux textes, de nouvelles normes, de nouvelles injonctions, afin de simplement justifier son existence et son mirobolant salaire de haut fonctionnaire, quitte à bloquer un peu plus une machine administrative déjà fortement grippée.

Ceci n'empêchera nullement la "gauche" qui nous gouverne de ne pas supprimer cette verrue disgracieuse et qui démange. La "gauche" ne veut faire de mal à personne, elle ne veut que notre bien, elle nous fait des câlins et des bisous, elle ne PEUT PAS se résoudre à trancher dans le vif, alors même que la lèpre nous gangrène. Elle nous laissera crever plutôt que de seulement envisager un simple coup de bistouri.

Et voilà pourquoi vous avez du mal à payer vos factures.

Évidemment, l’Éducation nationale, monstrueux animal à la tête disproportionnée, n'échappe pas à la règle commune. Je relisais le verbatim d'un débat de juillet 2011 entre Bruno Julliard, alors préposé à l'éducation au PS, Daniel Laurent de l'Institut Montaigne et Jacques Grosperrin de l'UMP (vous le trouverez sur l'excellent site des Directeurs en Lutte). Il s'agissait bien entendu d'évoquer le problème récurrent des directeurs d'école, l'Institut Montaigne militant à cette époque pour -je cite- "un directeur d’école qui ait une certaine autonomie à la fois vis-à-vis de l’administration et vis-à-vis de ses collègues."

Les propos de M. Julliard lors de ce débat ne doivent pas être oubliés. Ils sont à peu près passés inaperçus à l'époque, la France étant obnubilée par la nécessité, que personnellement je ne nierai pas non plus, de se débarrasser du forcené qui présidait alors notre Nation. Voici ce que disait M. Julliard:

"... Je ne crois pas que la question du pouvoir ou de l’augmentation du pouvoir des directeurs d’école, encore moins la création d’un établissement public d’enseignement autonome soient une priorité. D’abord parce que c’est coûteux, ensuite parce qu’on a probablement d’autres chantiers prioritaires qui vont mobiliser et de l’engagement politique et de l’engagement économique. En revanche, il y a 3 sujets qui doivent être traités dans la gouvernance:
- Accorder plus de pouvoir d’agir aux équipes éducatives, aux enseignants dans les écoles primaires, quand on met en place la politique des cycles ; ça veut dire qu’il faut qu’on ait des enseignants qui soient en capacité d’avoir cette autonomie pédagogique.
- Ensuite, il faut améliorer l’accompagnement des projets éducatifs dans les écoles et ça demande une réforme importante de l’administration et notamment des inspections d’académie. Ça passe par une réorientation du travail des inspecteurs pas en nombre suffisant et aujourd’hui pas formés pour ça.
- Et puis le dernier élément, je partage ce que vous avez dit, c’est accroître les liens entre l’école primaire et le collège."

Que ces propos soient parfaitement illogiques n'échappera à personne. Sur deux points: d'abord l'idée de donner du "pouvoir d'agir" et de l'autonomie aux "équipes éducatives", parfaitement antinomique avec celle d'augmenter les pouvoirs des Inspections Académiques; ensuite d'imaginer pouvoir accorder plus d'autonomie aux écoles sans que celle-ci passe par la direction d'école. Voilà l'illustration pleine et entière d'une profonde méconnaissance des fonctionnements de l'école primaire publique.

Rendre une école autonome, c'est la libérer des carcans administratifs, des injonctions et vouloirs généralement absurdes et hors de propos d'une pyramide de pouvoirs qui s'échelonnent sans fin du Ministre aux IEN. Ce n'est certainement pas la conforter dans des chaînes qui entravent ses possibilités d'action au service des élèves et de leur réussite scolaire.

Quant à rendre l'école dépendante du collège, ce serait bien entendu, j'en ai déjà beaucoup parlé, coucher le dernier à peu près bien-portant du système dans le lit d'un cholérique. Ce qu'assume d'ailleurs pleinement aussi M. Grosperrin lors du débat sus-mentionné, qui affirme avec fatuité et sans aucun état d'âme: "Je pense qu’il est plus intéressant de mettre en place un établissement scolaire comme un collège et de relier les écoles primaires qui sont avoisinantes à ce collège pour faire en sorte qu’il y ait une véritable synergie qui se mette en place. Si on met en place un véritable directeur d’école dans chaque école, on va arriver à l’échec de ces écoles du socle commun. Il serait plus fondamental qu’il y ait un seul chef d’établissement et que ces écoles soient pilotées par un IEN pour faire en sorte que la liaison entre la 6ème et le CM2 soit plus efficace." Ben voyons. On prend les aveugles et on les met en tête de convoi.


Et ce sont ces gens-là qui veulent, qui doivent réformer l'école? Quelles oeillères! Quelle bêtise! Stupidité d'ailleurs parfaitement idéologique, sans aucune réflexion antérieure autre que celle des coûts supposés d'une mesure qui consisterait à donner aux directeurs des écoles publiques françaises un statut clair et différencié. Pour M. Grosperrin "c’est une difficulté financière", pour M. Julliard "ça aura un coût fabuleux"... Voilà bien pour ces messieurs où le bât blesse.

Ce coût, je ne le nie, pas, j'ai d'ailleurs dans un précédent billet esquissé les prémices de son calcul. Mais il relève d'une méthode de pensée particulière, qui veut encore une fois qu'il ne faille surtout rien retrancher. Il n'est pas une seconde envisagé de récupérer cet argent ailleurs dans le fabuleux budget du ministère de l’Éducation nationale. Ce qui ne surprend aucunement venant de M. Julliard, mais est plus étonnant de la part de M. Grosperrin, sauf si l'on considère qu'avant des élections présidentielles -le débat je le rappelle date de juillet 2011- il n'est pas envisageable d'évoquer des suppressions de postes de fonctionnaires, pratique pourtant largement utilisée jusque là. Sauf également à penser que la "droite" en général préfère enchaîner des fonctionnaires de terrain pour lesquels elle a une haine profonde bien qu'irraisonnée, et les laisser en pâture à de hauts fonctionnaires à la botte, même s'ils ne comprennent rien au fonctionnement de l'école.

Il faut donc couper dans le lard. Oui, c'est un leitmotiv chez moi: ceux qui comptent dans l’Éducation nationale sont ceux qui agissent sur le terrain, ceux qui se préoccupent quotidiennement du bien-être et de la réussite de leurs élèves, enseignants et directeurs d'école. Ceux qui ne comptent pas, ce sont les fonctionnaires administratifs, qui sont pléthore et enrayent constamment la machine. Si on supprime tous les étages inutiles de cette administration, si on donne aux écoles leur autonomie pleine et entière comme le font déjà les Nations dont les systèmes scolaires sont efficaces, si on accorde à la direction d'école la maîtrise raisonnée et encadrée de ses moyens d'action, alors l'école primaire publique française redeviendra ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être, soit une école attentive aux besoins éducatifs de ses élèves.

Il ne serait même pas utile de supprimer les équipes d'IEN et de conseillers pédagogiques, même s'il serait certainement opportun d'en limiter le nombre. Mais celles-ci pourraient alors pleinement jouer leur rôle de conseillers, de formateurs, de transmetteurs, de passeurs d'innovation. Je suis sûr qu'elles seraient parfaitement aise de se voir libérées de tâches absurdes qui n'ont fait que s’empiler depuis trente ans, comme la direction d'école a vu en parallèle enfler grotesquement les siennes.

Donner aux directeurs d'école un statut et ce qui l'accompagne en termes d'existence juridique, de temps, de reconnaissance et de salaire, cela participera totalement d'une autonomie des écoles primaires qui ne peut être que bénéfique aux enfants de France. Oui, cela aura un coût, mais celui-ci pourra sans difficulté être couvert par le budget de l’Éducation nationale, à condition que celle-ci s'en donne les moyens en recherchant dans ses propres arcanes ce qui peut en être retranché, et vous pouvez me croire quand je vous dis qu'il y aura largement de quoi faire. Mais je suis dubitatif, tant il n'est pas dans les habitudes de la "gauche" d'alléger la charge de la bête. On peut toujours espérer.

mardi 16 avril 2013

Le salaire des enseignants du primaire par heure devant élèves...


Je lis une telle quantité d'âneries sur le net ou dans les journaux, j'entends tellement de stupidités non étayées sur ce sujet, que je vous ai fait un tableau récapitulatif.

Celui-ci donne le salaire moyen statutaire en 2010 des enseignants du primaire des écoles publiques de l'OCDE par heure passée devant élèves, dans la mesure où les chiffres sont disponibles, en équivalent dollars américains (USD) convertis sur la base des parités de pouvoir d'achat (PPA) pour la consommation privée. La source des données est le document "Regards sur l’éducation 2012" de l'OCDE.

Je ne ferai pas de commentaire particulier, le tableau est suffisamment parlant quant à la considération que l’État français accorde à ses enseignants du primaire. Cliquez sur l’image pour l'agrandir.


Complément d'information (ajouté le 20 avril 2013):

Je ne veux pas toucher aux chiffres fournis par l'OCDE, car je manque d'information sur les pratiques des autres Nations. Néanmoins je dois faire observer que les moyennes calculées ne tiennent compte pour la France que des heures devant élèves en classes entières. Effectivement, les enseignants français du primaire n'effectuent pas 24 heures devant élèves, mais 26 heures, les deux dernières se faisant en petits groupes. Si on tient compte de ce paramètre, on peut estimer que le salaire horaire minimal n'est plus que de 26 € au lieu de 28,16, le salaire médian de 34,97 € au lieu de 37,89, et le salaire horaire maximal des enseignants français du primaire de 51,60 € au lieu de 55,90, le salaire horaire moyen s'établissant à 37,52 € au lieu de 40,65.

samedi 13 avril 2013

Le laminoir...


Texte invité

Mon grand-père, ingénieur aux Tréfileries du Havre à une époque où ce genre de diplôme passé en autodidacte représentait une somme démentielle de sacrifices, connaissait bien les laminoirs. Outils de base de ceux qui travaillent industriellement le métal, les laminoirs furent pour ce grand-père qui hélas disparut alors que j'étais en bas-âge le décor quotidien de ses longues années de travail.

Il eut certainement été charmé d'apprendre qu'un de ses petits enfants perpétuait la tradition familiale, avec une légère nuance toutefois, celle qui veut qu'au lieu d'en faire usage à des fins industrielles je n'en suis qu'un produit, écrasé quotidiennement par un passage régulier entre les cylindres puissants que sont mes deux métiers que je pratique simultanément.

Ne l'ai-je point déjà exprimé? Directeur d'une petite école maternelle, je suis partagé entre ma fonction d'enseignant, six heures par jour avec trente élèves de quatre et cinq ans, et ma mission de direction, qu'il me faut tout aussi quotidiennement assumer face aux familles, à ma municipalité, et à mon administration. Ce sont bien deux métiers différents, francs et pleins.

A l'époque de mon grand-père, qui nous a quittés il y maintenant plus de cinquante ans, être directeur d'école était une mission valorisée, valorisante, importante et considérée. Il eut été fier de son petit-fils, aurait certainement pensé que "l'ascenseur social" avait pleinement fonctionné. Mais aujourd'hui je ne suis rien. Si l'estime que me portent familles et élus dans ma commune d'exercice ne fait aucun doute, je ne suis pour ma propre administration qu'un minable petit fonctionnaire corvéable à merci, très mal payé, dont on ne connait rien ni des peines, ni des doutes, ni des succès ou des échecs, ni surtout des difficultés croissantes à coiffer une insupportable double casquette.

Je suis en vacances depuis hier soir. Je suis brisé, épuisé, j'ai une tête à faire peur. Bien que m'étant endormi difficilement et tard, à ressasser des problèmes d'école qu'il me faudra bien résoudre à la rentrée, je me suis réveillé à cinq heures ce matin à la suite d'un "cauchemar scolaire" relatif à une difficulté qui s'annonce et qu'il faudra surmonter sans aide ni soutien. Je me dois d'essayer de l'oublier, au moins partiellement, pendant quelques jours, si je veux récupérer un peu avant les neuf dernières longues semaines d'école qui boucleront cette année difficile.

Qui rendra aux directeurs d'école la considération qui leur est due? Certainement pas une opinion publique qui ne voit dans l'école qu'un ramassis de fainéants incompétents et profiteurs. Certainement pas des médias qui ne voient dans l'école qu'une éventuelle usine à "scoops", quitte à profiter honteusement de la disparition tragique d'une collègue, ou à répandre les pires bêtises quant à nos méthodes de travail, notre investissement, la réalité de notre métier. Certainement pas un gouvernement dans lequel nous mettions beaucoup d'espoir, mais qui depuis un an ne sait qu'accumuler bourdes et parti-pris. Un ministre peut-être?

Hélas, la lecture de la circulaire de rentrée parue au Bulletin Officiel du 11 avril dernier ne sait qu'accentuer mon malaise. On parle de nous "mobiliser" -une fois de plus, une mission supplémentaire, nous n'en avions certainement pas assez- pour "accompagner" les futurs professeurs... et c'est tout. Rien sur notre mission, rien sur notre engagement professionnel, rien sur notre avenir, rien pour nous rassurer ou simplement nous remercier de la façon remarquable dont vaille que vaille nous continuons à tenir la barre d'une école qui part à vau-l'eau. La direction d'école n'existe pas. Sinon pour persister à nous exploiter. Je parlais récemment d'esclavage. Nous n'en sommes pas si loin. Une vieille blague racontait la différence entre le capitalisme et le communisme, expliquant que l'un était l'exploitation de l'homme par l'homme, et le second l'inverse... Sans autonomie, sans statut, sans considération, sans salaire digne, vaillants petits ouvriers de l'école primaire de la République, exploités certes nous le sommes, sans vergogne ni état d'âme.

Il y a du soleil aujourd'hui. Mais j'en ai peu dans le cœur.

Pascal Oudot

dimanche 7 avril 2013

Foutage de gueule (bis)...


Un pur bonheur! J'en ai trouvé plein! Un vrai régal d'esthète du foutoir républicain. Avec systématiquement la même réponse, ou plutôt la même absence de réponse. Ce ne sont plus les Rois du copier-coller, mais les Empereurs de la discipline, les Dieux du pitonnage et du tapotage de clavier éhonté. C'est insurpassable! Je m'incline bien bas devant une telle démonstration de je-m’en-foutisme étendu sur six mois. Les voilà par ordre chronologique (en attendant une éventuelle livraison ultérieure, mais je sens que je vais me lasser):

1) M. Philippe Vitel, question du 30 octobre 2012;
2) M. Alain Bocquet, question du 13 novembre 2012;
3) M. Éric Jalton, question du 13 novembre 2012;
4) M. Yves Jégo, question du 13 novembre 2012;
5) M. Philippe Baumel, question du 20 novembre 2012;
6) Mme Thérèse Guilbert, question du 27 novembre 2012;
7) M. Kléber Mesquida, question du 4 décembre 2012;
8) M. Jean-Pierre Blazy, question du 11 décembre 2012;
9) M. François-Michel Lambert, question du 18 décembre 2012;
10) M. Fernand Siré, question du 19 mars 2013;
11) M. Stéphane Demilly, question du 19 mars 2013;
12) M. Jacques Alain Bénisti , question du 19 mars 2013...

Foutage de gueule intégral...


Je ne sais pas si les représentants de la Nation prennent ou non leur rôle au sérieux, toujours est-il que le ministre de l’Éducation nationale, lui, se paye leur tronche avec une allégresse non dissimulée. Il faut dire que nos députés se fichent manifestement des réponses du gouvernement comme de l'an 40.

Pourquoi j'écris ça? Parce qu'en remontant un peu l'ordre des réponses du ministère de l’Éducation nationale aux questions concernant la question cruciale de la direction d'école dans notre Nation, question malheureusement mise encore un fois en avant avec hier la disparition tragique d'une collègue, je me suis rendu compte que nos hauts fonctionnaires font du copier-coller un art de haute voltige (oui, j'ai déjà évoqué ça hier dans un autre billet, mais les preuves s'accumulent avec une ténacité stupéfiante), et que soit aucun des députés ainsi interpellés ne s'en est rendu compte, soit ils s'en tamponnent le coquillard, préférant sans doute dépenser dans les boutiques parisiennes leurs indemnités et autres faramineux frais annexes. Il faut dire que maintenant que nous sommes clairement passés de la République des bisous à la Ripoublique, je ne vois pas pourquoi ils se dispenseraient. Rigolez pas, c'est avec vos sous!...

Les voici d'ailleurs, par ordre chronologique (il y en aura certainement d'autres dans les jours qui viennent):

1) M. Alain Bocquet, question du 13 novembre 2012;
2) M. Philippe Baumel, question du 20 novembre 2012 (réponse strictement identique);
3) Mme Thérèse Guilbert, question du 27 novembre 2012 (idem, once again);
4) M. Kléber Mesquida, question du 4 décembre 2012 (kif-kif? Eeeeh oui!);
5) M. François-Michel Lambert, question du 18 décembre 2012 (devinez?)...

Est-il utile que j'aille plus loin dans mon commentaire? En fait, je me demande s'il ne faut pas voir dans ces réponses clonées l'idéal d'égalité républicaine prôné par notre Président, dans le sens où aucun député n'est mieux traité qu'aucun de ses confrères...


samedi 6 avril 2013

Les directeurs d'école en deuil...


Une collègue directrice s'est donnée la mort ce matin, dans son école.

Au delà du drame qui frappe une famille et une école, et qui ne peut susciter que compassion et tristesse, c'est de la colère que je ressens.

De la colère parce que, comme il était prévisible, le premier réflexe du directeur académique du Territoire de Belfort a été de déclarer que notre pauvre collègue aurait «mis fin à ses jours pour des problématiques d'ordre personnel».

Oui, Monsieur Mellon, c'est forcément parce qu'on ne va pas bien qu'on se tue. Non, Monsieur Mellon, un enseignant, et plus encore une directrice d'école, surtout consciente de son devoir comme vous l'avez vous-même décrite, ne se suicide pas sur son lieu de travail par hasard. N'y voir qu'un malheureux hasard, c'est au mieux se voiler la face, au pire prendre les directeurs d'école de ce pays, les enfants, les parents d'élèves, pour des imbéciles. C'est nier le stress, la responsabilité délirante et perpétuellement croissante, toute la charge qui repose sur les épaules de la direction d'école, qui n'en peut plus depuis plusieurs décennies du poids de sa mission, des remises en cause, de l'absence de reconnaissance. C'est nier toute la force du dernier rapport de M. Fotinos. C'est nier l'évidence de l'absence totale de médecine de travail dans l’Éducation nationale, ou d'assistance psychologique pour le maillon faible du système qu'est le directeur d'école, qui supportera son apostolat sans aucun soutien institutionnel. C'est nier l'attachement que les directeurs d'école portent à leur mission, le temps qu'ils y passent, l'investissement qu'ils lui donnent. C'est nier enfin que ce métier, car c'est bien un métier particulier que celui de directeur d'école, mérite mieux que votre apitoiement de circonstance, ou que la façon déplorable dont ce ministère nous traite, nous qui sommes souvent dans les communes de France le premier ou le dernier relais de l’État.

Oui M. Mellon, je suis en colère contre vous. Mais vous n'êtes qu'un rouage de ce système qui exploite et broie les agents de terrain que nous sommes en regardant surtout ailleurs pour ne rien voir, qui nous dénie toute autonomie, qui nous ignore, et veille bien à protéger ses arrières en toute circonstance, même lorsque qu'il s'agit d'un acte aussi grave que celui de qui passant à l'acte commet l'irréparable en se pendant dans l'escalier de son école. Croyez-vous vraiment ce que vous dites quand vous récusez d'emblée, alors que notre collègue est à peine décédée, cette épouvantable démonstration de la totale et complète responsabilité de votre ministère?

C'est de la colère qui m'agite, M. Mellon, parce que cet aveuglement quant à la situation des directeurs d'école, qui a déjà tué, qui a tué ce matin, continuera à tuer alors que vos semblables continueront à nier l'évidence.

Je vais clore ce billet, la charge émotionnelle que je ressens est trop forte. J'adresse avec force et sincérité toutes mes condoléances et toute ma compassion à la famille de ma collègue, à ses élèves, à ses collègues, aux parents d'élèves de son école, à ses camarades syndicalistes.

J'appelle tous les directeurs et directrices d'école de France, tous les collègues enseignants qui veulent nous rejoindre, à porter lundi au travail, au moins aux heures d'accueil et de sortie, un brassard noir en signe de deuil.

Un ministère de feignasses ?


Dans la rubrique "Les ravages de l'informatique", voici une illustration supplémentaire des méfaits numériques au sein du ministère de l’Éducation nationale. Après Base-élèves et Affelnet, programmes farfelus élaborés en interne par des savants fous dans des laboratoires que j'imagine constitués de vieux MO6 ou TO7 alternant avec cornues et autres flasques dans lesquelles fermentent des produits nauséabonds, nous assistons désormais au règne du copier-coller, que j'estimais digne d'étudiants feignasses écrivant leurs mémoires d'études à grands coups de Wikipédia. Eeeh oui, il n'y a pas que les faceux décérébrés qui aient l'auriculaire sur Ctrl ou Pomme et l'index sur C...

J'ai évoqué dans mon précédent billet la réponse lamentable faite à ce pauvre M. Baumel, député méritant de Saône et Loire qui s'intéresse au sort des directeurs d'école. Voici aujourd'hui celle faite au non moins méritant M. Bocquet, député du Nord qui lui aussi se pose des questions quant à la direction d'école en France.

C'est la même.

Strictement, complètement, irrémédiablement la même.

Il n'y manque pas une virgule ni un accent.

M. Baumel et M. Bocquet avaient pourtant posé des questions différentes, en termes choisis, avec des nuances et des variantes, même si le fond de la question était le même, soit la question cruciale voire primordiale pour l'avenir de l'école primaire publique française qu'est la question de l'absence de statut des directeurs d'école et de reconnaissance de ce qui est aujourd'hui un métier à part entière bien différent de celui d'enseignant.

La même réponse, pile-poil.

Il y a fort à parier que le prochain représentant de la Nation qui posera une question similaire se verra récompensé de la même façon... Je serais un de ces messieurs, je serais vexé. Aurions-nous un ministère de feignasses? Ou est-ce du mépris pour la représentation nationale? Je vous laisse répondre à cette question.

mercredi 3 avril 2013

Sur le parvis de l' État...


Je suis outré par la réponse apportée le 26 mars dernier par le ministère de l’Éducation nationale à la question écrite de M. Philippe Baumel, député de Saône et Loire. Je crois difficile de faire plus "langue de bois" que ce texte fumeux qui prétend éclaircir "les mesures... pour répondre aux attentes des directeurs d'écoles".

Le ministère commence par décrire le cadre de notre travail. Pourquoi pas. Mais se contenter de reprendre au mot près les textes officiels qui régissent notre mission ne peut suffire dans la mesure où notre apostolat présent n'est absolument pas contenu dans les termes généraux du décret de 1989. Nous sommes en 2013! Et notre métier n'est plus -plus du tout- celui d'il y a24 ans! Je ne ferai pas le détail de ce qui a changé, forcément en mal, ni de la lourdeur de notre tâche aujourd'hui, vous êtes suffisamment hélas au courant si vous lisez ce billet, et j'en parle assez depuis des mois. Je citerai juste pour mémoire le dernier soubresaut institutionnel qu'est la généralisation d'Affelnet, programme en ligne d'admission en sixième, codé avec les pieds -sales- et d'une ergonomie effarante, dont l'usage est aujourd'hui échu aux directeurs d'école.

Mais oser écrire que "La charge de travail des directeurs d'école a également été reconnue par la mise en place de dispositifs destinés à améliorer les conditions d'exercice de la fonction et la rémunération versée.", c'est se foutre du monde! Reconnue? Quelle outrecuidance! Depuis douze ans que j'exerce cette mission je n'ai constaté pour ma part qu'une inflation délirante de ma charge et de mes responsabilités, qu'une nette augmentation du mépris dans lequel me tient ma hiérarchie,  et qu'une paupérisation accrue qui fait qu'aujourd'hui, bien que cadre A de la fonction publique -et je le suis par concours-, je ne fais même plus partie aux yeux de l'INSEE de ceux qui exercent une profession intellectuelle. Bon courage aux petits camarades qui nous ont rejoints ces dernières années avec un Bac+5 et qui ne sont pas mieux considérés qu'un manœuvre de chantier en dépit de leurs études, de l'importance de leur mission, de leur temps de travail délirant, et de leur responsabilité croissante. Je n'ai pour ma part qu'une seule idée aujourd'hui de ma charge: j'exerce un métier de con. Ou plutôt, je suis assez con pour exercer mon métier du mieux que je peux. Je n'ai plus qu'une envie, c'est de le faire par-dessus la jambe. Amis soutiers de l’Éducation nationale, bonjour!

Mais ce poème ministériel qu'est la réponse apportée à M. Baumel ne s'arrête pas là. La suite est un régal de fin gourmet: "Dans le cadre de la circulaire du 13 mars 2013, ils bénéficient d'un allègement ou d'une décharge variant de 6 à 36 heures sur le service de 36 heures consacrées aux activités pédagogiques complémentaires. Ces dispositions seront adaptées pour tenir compte de la nouvelle organisation des rythmes scolaires." Ben voyons. Alors qu'il ne fallait pour l'Aide Personnalisée que gérer les autorisations parentales, il faudra désormais pour les Activités Pédagogiques Complémentaires les articuler avec les activités périscolaires, et surtout gérer des listes d'élèves qui iront soit en périscolaire soit en APC -avec autorisations bien entendu, et inutile d'espérer des autorisations génériques valables pour toute l'année scolaire, c'est interdit-, gérer les absences et départs intempestifs et autres erreurs, surveiller tout ce qui se tiendra dans les locaux scolaires et sera donc sous la responsabilité du directeur, et patati et patata j'en passe et des meilleures... On n'a pas fini d'en avoir, du bordel dans nos écoles! Sommes-nous pour autant dispensés de les encadrer, ces APC? Certes non, nous sommes pour les hauts fonctionnaires ignorants du ministère des agents de terrain corvéables à merci. Oserai-je évoquer le fait que les directeurs non déchargés -comme je le suis- seront encore moins disponibles qu'avant? Qu'ils feront trois choses simultanément? Je préviens d'emblée les familles de mon école: inutile de tenter de me voir l'année prochaine, je serai partout en même temps mais pas là où je serais utile. Le plus comique en ce qui me concerne -je ris jaune- est que ma commune d'exercice ne passant aux nouveaux rythmes qu'en 2014 je vais me retrouver à encadrer/gérer/surveiller ces APC au-delà de 17h... Comme allègement de la journée...

L'honnêteté m'oblige à dire qu'il existe tout de même dans ce pays un Directeur Académique conscient de nos difficultés, celui de Haute-Savoie, qui vient de dispenser les directeurs d'école de l'encadrement des APC. Sera-t-il soutenu par son ministère?

Et ça continue! Je cite la réponse ministérielle: "Sur le plan indemnitaire, la reconnaissance des fonctions des directeurs d'école s'est traduite par des revalorisations successives". Comme disait Raymond Devos: trois fois rien c'est déjà quelque chose. Quand je regarde ma feuille de paye, et que je pense au travail qu'il y a derrière, j'ai l'impression d'être revenu deux ou trois siècles en arrière, et de me faire donner l'aumône sur le parvis de l’État. A vot' bon cœur, m'ssieurs-dames ! Connaissez-vous ailleurs une mission d'encadrement, avec des responsabilités comme celles d'une direction d'école, rémunérée à coup d'indemnité ridicule? Cherchez. Si vous trouvez, appelez-moi.

Tiens? Un constat... Le texte de la réponse apporte soudain un éclairage légèrement différent, comme un relent de remord après une avalanche de poncifs, d'approximations et de mensonges: "Depuis plusieurs années, les enseignants qui assument la fonction de directeur d'école ne se sentent pas suffisamment reconnus alors même qu'ils sont essentiels au bon fonctionnement des écoles et qu'ils apportent la sérénité et l'écoute indispensables à tous les partenaires de l'école. Une évolution de la fonction et des missions de directeur est devenue nécessaire." Allons bon! Jusqu'ici tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes avec ces esclaves administratifs que sont les directeurs d'école, voilà que soudain au détour d'une phrase on expose l'idée que peut-être les chaînes qui les entravent sont un peu lourdes. Vous remarquerez tout de même la jolie nuance linguistique qui veut que les directeurs d'école ne se sentent pas suffisamment reconnus, ce qui signifie bien que le ministère estime que nous le sommes. Je suppose que c'est logique de la part de gens qui savent si bien truander la Nation qu'ils représentent en gavant leurs comptes en Suisse ou à Singapour, mais moi vivre d'amour et d'eau fraîche ne me convient pas. Je veux un statut clair et différencié de celui des enseignants, je veux le temps, les moyens, la considération et la rémunération de ma mission. Bref, ce genre de propos, qui voudrait que je m'estime à tort mal considéré et mal payé, est parfaitement malvenu.

"Dans ce contexte, il est apparu nécessaire de réfléchir au sein d'un groupe de travail, mis en place par la direction générale de l'enseignement scolaire, à l'évolution de cette fonction. Il s'agit notamment d'apporter des réponses adaptées, en particulier en termes de formation, aux problèmes rencontrés par les directeurs d'école à l'occasion de leur prise de fonction ou pour accompagner les évolutions de leur métier et de leurs missions." Outre le fait que des discussions quant à la situation de la direction d'école publique en France avaient été promises en automne dernier par M. Peillon et devaient se tenir au premier trimestre de cette année civile, discussions qui ont été du fait du Prince repoussées sine die, je doute fortement de ce qui peut sortir de la DGESCO, dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle n'a pas ces dernières années marqué profondément par son honnêteté, sa vision, ou son indépendance. Et ce en dépit de tout le bien que je pense aujourd'hui -et que j'ai déjà exposé dans une précédent billet- de M. Delahaye. Bref, je n'attends pas grand chose de ce groupe de travail. Je n'en attends même rien, sinon peut-être à quelques cautères qui n'apporteront pas grand chose à notre jambe de bois. Vous voulez une traduction claire des dernières phrases citées? Tenez: "Les dirlos s'imaginent mal traités, on ne fera rien mais on en cause. A propos, j'ai six cent mille euros à dissimuler au fisc, tu me proposes quoi de discret?"

Vous remarquerez également que le texte sous-entend que si nous n'arrivons pas à exercer correctement notre métier, c'est parce que nous n'y sommes pas formés. Je n'en disconviens pas pour les jeunes directeurs, mais qu'on me pardonne si j'estime qu'après douze années d’exercice dans diverses communes je le connais certainement mieux que le rigolo qui a pondu cette phrase et qui me croit sans doute incapable de comprendre un texte officiel, alors que j'ai certainement moins de mal à le lire que certains IEN ou DASEN de ma connaissance...

Finissons ce billet par la dernière phrase de la réponse donnée à ce pauvre M. Baumel qui doit s'estimer floué par un texte aussi léger: "Les conclusions de ce groupe et les pistes proposées seront particulièrement utiles lors des échanges à venir avec les organisations syndicales dans le cadre de l'agenda social." Et le GDiD, il pue de la gueule? Si je ne m'abuse, il était question de discussions avec les représentants du personnel ET les (sic) associations de directeurs d'école... Parce que si seules les centrales syndicales sont appelées à discuter de notre sort, ça va être une belle empoignade, et l'accouchement nous donnera une souris aussi maigrichonne que celle née de la graaande concertation qui devait "refonder" l'école. Nous sommes mal barrés, chers collègues, vous pouvez préparer la vaseline.